Approche technique

Conception du carreau

Le carreau est moulé et estampé. Il est modelé à partir de pâte siliceuse composé de quartz broyé, de fritte plombeuse, d’argile blanche et de silice. Ces pâtes, réservées à la noblesse, ont été créées afin d’essayer d’imiter la porcelaine chinoise. Il a été par la suite décoré d’engobe de même nature, coloré à l’aide d’oxydes.

Le carreau est cuit en mono-cuisson au four à bois à environ 900 °C.

Il n’y a pas eu de cuisson de biscuit, la glaçure a été posée sur la pâte crue et engobée. Celle-ci est une glaçure transparente plombeuse à base de silice, d’alumine et de plomb (fondant).

Four à bois (source image)

Décors sur glaçure

Ce carreau est composé de plusieurs types de décors :

  • Des motifs moulés d’entrelacs végétaux sur le bord.
  • Des décors floraux et des arabesques sont peints à l’aide d’engobe, ceux-ci répondent à l’esthétique de «l’horreur du vide». Il n’y a pas de but figuratif aux décors, les motifs végétaux stylisés et la calligraphie sont purement décoratifs.
  • La calligraphie (la bismillah) est en relief, elle a été moulée et est décorée sur glaçure à l’aide d’oxyde de cobalt.
  • Sur l’ensemble du carreau on retrouve des lustres.

Les lustres

Ceux-ci sont composés d’atomes d’argent et de cuivre pénétrant superficiellement dans la glaçure cuite.

Ils sont composés d’un mélange d’ocre rouge, de sel d’argent ou de cuivre et d’acide acétique (acide du vinaigre). L’ensemble est cuit à basse température en atmosphère réductrice (sans oxygène), ainsi l’oxyde de carbone réduit les oxydes à l’état de métal.

Les lustres semblent être apparus comme substituts à la vaisselle d’or et d’argent interdites par la religion mais l’hypothèse la plus probable est que cette technique découle de la peinture sur verre. Ils ont souvent été utilisés sur émail stannifère.

Ces décors sont riches et novateurs et font états d’une profusion technique dans l’utilisation du lustre métallique.

exemple de décors avec des lustres (source image)

Approche contextuelle

À la fin du 13e siècle, l’Iran a perdu toute cohésion. Les Mongols envahissent et dévastent le pays mais la culture iranienne est conservée. Le raffinement des Mongols et leur intérêt pour l’art permettent la reconstruction rapide des fours et ateliers détruits permettant ainsi de ne pas interrompre la production de céramique.

carreau d’angle composant la frise

fragments de la frise

croquis de la frise

Ce carreau compose la frise coranique du tombeau du Shaykh Abd al-Samad situé à Natanz et daté de 1307-1308. Cette frise est devenue célèbre par sa richesse technique et ornementale. Ses fragments sont actuellement dispersés dans toute l’Europe.

Approche sémantique

La Bismillah

L’inscription du carreau est tirée d’un vers du célèbre Shanama (le Livre des Rois). Celui-ci est un poème épique retraçant l’histoire de l’Iran depuis la création du monde.

La bismillah : « au nom de Allah » ou « le tout miséricordieux » ou « le très miséricordieux ».

écritures coufiques (source image)

Le Thuluth

La calligraphie utilisée sur ce carreau est une écriture cursive : le Thuluth. Il se caractérise par de hautes hampes et est souvent utilisé pour les titres des sourates.

écriture comme motif

Au fil des années, nous avons perdu le sens sémantique de ce carreau, au profit d’une simple apprécia on décorative et artistique. Nous avons donc voulu, à travers différentes traductions, lui redonner son sens originel, mais aussi montrer aux spectateurs l’impact sémantique qu’a celui-ci.

 

Écriture persane thuluth

En partant du carreau, nous nous sommes rendus compte que certes, l’écriture avait un aspect sémantique fort mais que la calligraphie (persan, thuluth) avait été traitée comme un motif, a n d’occuper le plus d’espace possible (hautes hampes) en respectant l’esthétique de la peur du vide.

Écriture persane

Afin de renforcer cette constatation, nous l’avons donc traduite en persan dans une écriture normale. On remarque alors clairement le parti pris esthétique du carreau.

 

Français

Pour montrer l’impact qu’a le carreau, à ceux qui n’arrivent pas à le lire, nous l’avons traduit en français. Grâce à cette traduction on comprend parfaitement bien la fonction du carreau mais aussi la force qu’a celui-ci.

Braille

En prenant en compte toutes les caractéristiques du carreau, écriture en reliefs, travaillée comme un motif, sens sémantique présent mais pas visible pour tous. Nous avons décidé de le traduire en Braille.

En effet, seulement une minorité de la population mondiale comprend le braille, celui-ci est par définition en relief et pour nous qui ne savons pas le décrypter, il fonctionne comme un motif. Il a aussi une caractéristique en plus, c’est un langage universel.

Réalisation d'un carreau

En réponse à cette problématique, et pour mieux expliquer la fabrication du carreau au public, nous avons décidé de faire des moules à carreaux d’estampages, d’en faire des tirages et ainsi de montrer les différentes étapes de fabrication.

Comme nous avons fait ces quatre différentes traductions, nous avons choisi pour toutes, de faire un moule et ainsi pouvoir avoir des tirages de chacune.

En fabriquant les moules, nous avons réalisé un diaporama pour expliquer les différentes étapes de fabrications d’un moule en plâtre. Nous avons aussi fait un mode d’emploi vulgarisé afin que les visiteurs puissent recréer un moule si ils le souhaitent.

Tirages et exemples

Pour chacun des moules, nous avons fait au moins deux tirages en faïence blanche. Chaque carreau représente une étape de fabrication :

- un carreau biscuité

- un carreau engobé et biscuité

- un carreau engobé et émaillé sur la moitié (pour voir la différence entre l’engobe non-émaillé et émaillé)

- deux carreaux émaillés

- et enfin deux carreaux avec le bleu de cobalt posé sur émail cru.

Moule en Braille

Carreau émaillé

la fabrication d’un moule

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